Depuis 30 ans, nous - nés et élevés dans les trente glorieuses - avons appris que nous sommes en état de crise permanent. On a même appris que ce n'était pas la crise mais le changement. Que c'était un état. Alors on a tout changé ou cru tout changer. On a surfé sur la crête de la rupture. On a élevé nos enfants dans la perspective d'une adaptabilité permanente au changement. Alors la crise, on n'y croit plus, le mot s'est émoussé.
Et si cette fois-ci, il s'agissait d'autre chose ?
Comment suis-je armé(e) face à la rupture, la perte de ce qui me semble important, la prise de risque, le changement décisif... Surtout si ce n'est pas moi qui décide ?
Point de vue asthmatique sur la crise
Mon expérience de la gestion de la crise date de 50 ans. C’est un savoir faire acquis sur le tas, à tâtonnement, toujours remis en cause et en adaptation aux caractéristiques de la nouvelle crise .
Le moment de la crise surgit apparemment de manière imprévisible mais quand j’y réfléchis bien, il est presque toujours précédé de signes annonciateurs :
• Surfatigue dans le travail quotidien
• Ras le bol et état un peu dépressif
• Suractivité avec stress
• Changement de temps
• Accumulation de décisions, de responsabilités
• Quelques contrariétés personnelles
La crise s’impose quand je ne veux pas regarder ces ou certains de ses états et que je me dis « the show must go on ». C’est alors qu’en très peu de temps tout se déglingue
Alors la crise arrive.
Avec du temps et du temps, je commence à savoir mieux l’amadouer. D’abord je la prends mieux en compte et le lui fait savoir, en examinant les symptômes et en mettant un nom dessus. C’est souvent le même « bronchite asthmatiforme «
D’une certaine manière, il n’y a jamais tromperie sur la qualité de la crise. Elle est toujours rapidement forte, exponentielle, m’étouffe toujours au même rythme… C’est toujours une belle qualité de crise, jamais décevante sur sa force .
Donc je vais de plus en plus vite (mais pas assez encore !) voir mon alliée, mon médecin. C’est elle qui a la capacité de trouver le bon médicament et de le prescrire. Elle sait comment traiter cette crise. D’ailleurs ,elle n’a pas besoin de me voir. Je l’appelle et elle me met l’ordonnance à l’accueil. Merci à elle pour sa rapidité d’intervention.
Je pars à la pharmacie et là tout le matériel de résolution de crise m’est transmis . Le plus intéressant est sans conteste l’appareil à distiller le médicament, celui qui va faire du bruit, de la vapeur et hydrate mes bronches. Celui qui me trouble le plus est la cortisone qui endort le mal, ne le laisse pas s’exprimer et qui en même temps apporte un soulagement immédiat. Celui que je respecte est l’antibiotique qui d’heures en heures combat la crise et la vainc .
Aidée de tous ces amis, je me laisse aller dans la crise comme un bouchon sur l’eau. J’attends que ça aille mieux. Je contribue en bougeant le moins possible, en buvant beaucoup d’eau, en me taisant. Je sais qu’il faut patienter plusieurs heures avant le soulagement qui va sûrement venir car j’ai confiance dans mes aides même s’ils ne sont pas d’un effet immédiat .
Et là je remonte un peu. L’étau se desserre imperceptiblement ; je suis moins stressée ; j’ai mis le protocole en place . Je respecte mon organisme qui se bagarre régulièrement depuis 50 ans et ne baisse pas les bras .
Quand je commence à mieux respirer, je vis des moments d’euphorie tout personnels et je voudrais rester à ce moment là, fait du bonheur simple de bien respirer .
Alors je remonte la pente et mon esprit se remet à penser, mon corps à bouger. Il va falloir bientôt retourner dans l’action .
Et si j’avais besoin régulièrement de la crise ?
Rédigé par : Joelle | 02 octobre 2008 à 22:40