Au début des années soixante, entre mes dix et quatorze ans, je me souviens avoir rêvé d’Australie : pays ouvert, où l’on pouvait encore se forger un destin de pionnier, faire fortune en exploitant un élevage de mouton ou mieux un vignoble (je n’ai pas encore expliqué à mes lecteurs qu’outre « avoir grandi dans un pressing », une autre moitié de moi a forgé ses représentations dans le vignoble angevin – terre paternelle - ), habiter de magnifiques maisons coloniales, parcourir à cheval et en jeep de vastes territoires… C’était l’époque où les journaux Français, Paris Match notamment (hebdomadaire sur lequel j’avais transféré progressivement ma passion de lecteur assidu du journal de Mickey) relayaient la politique d’immigration du gouvernement Australien tentant d’attirer de nouveaux migrants blancs, Européens…
Au même titre que ma vocation fugace de teinturier innovateur (cf "grandir dans un pressing" ) mes projets de vignerons pionniers en terres Australe ont assez vite été remisés au fond de ma mémoire adolescente. Pour de longues années l’Australie s’est trouvée effacée de mon « angle de vue ».
Pendant prés de 40 ans, rien n’est venu, raviver mon désir d’Australie, tant il est vrai que c’est un des pays du Monde qui fait le moins parler de lui, se signale bien peu à notre attention. Comme l’écrit Bill BRYSON (dont le livre « nos voisins du dessous » a accompagné mon voyage et que je recommande) : « Il faut reconnaître que nous accordons une attention scandaleusement réduite à nos chers cousins des antipodes. Peut-être pas totalement sans raison. Après tout l’Australie est quasiment déserte et se situe très loin de nous. A l’échelle mondiale sa population de l’ordre de 19 millions d’habitants mérite sans conteste d’être qualifiée de modeste et sa place dans l’économie mondiale est largement accessoire…Et puis l’Australie est un pays qui ne fait pas de bêtises ; c’est un pays stable, pacifique, correct qui ne connaît pas les coups d’état, n’épuise pas les réserves de poissons, ne fournit pas d’armes à d’horribles despotes, ne pratique pas la culture de la drogue de façon indécente. Bref c’est un pays qui ne joue pas les gros bras et ne fait pas sentir sa puissance de manière provocante et déplacée ».
Il a fallu cette occasion offerte par la perspective de stage en Australie de mon étudiante de belle fille pour que ce pays s’inscrive à nouveau dans mes horizons de voyage.
Mais voilà, comment conduire le voyage sur cette Ile/continent sur laquelle on projette peu, pour laquelle on a très peu de références (culturelles, historiques, géographiques, d’actualité) et qui s’avère immense et en de nombreux endroits difficilement accessible. Ajoutons à cela que, pris par notre rythme de travail toujours soutenu, nous avons consacré peu de temps à la préparation de notre itinéraire.
Dans ces circonstances il nous restait à faire confiance à notre sens du voyage (bien éprouvé depuis une quinzaine d’année), à notre goût pour l’improvisation, à notre art d’apprivoiser les contraintes pour établir des options de voyages raisonnées.
Première donnée notre point d’entrée dans le Pays : Sydney, au cœur de l’Australie civilisée, l’Australie habitée par 80 % de la population, l’Australie douce… Nous devions séjourner dans cette ville plusieurs jours, le temps nécessaire à la recherche de la co-location de notre étudiante/stagiaire. Bonne manière finalement de s’acclimater et de s’inscrire dans les règles du jeu locales.
Tenir compte ensuite de la contrainte temps/espace : défalquées nos journées de recherche de logement, nous disposions d’une quinzaine de journées, soit à la moyenne de 250 kms/jour la possibilité de faire une boucle de 3500 à 4000 kmsà partir de Sydney ; deux options se dégageaient nettement : soit descendre au Sud pour rejoindre Melbourne, soit monter au Nord, en direction de Brisbane avec dans les deux cas la possibilité d’un aller par la côte et un retour par l’intérieur (l’hinterland, le bush…légèrement montagneux), ou le contraire.
La contrainte financière nous empêchait d’envisager (en cette période de très haute saison touristique) les sauts par avion : nous avions un moment pensé rejoindre Alice Spring au cœur de l’out back ( le grand désert central) ou Cairn la région tropicale qui ouvre l’accès à la grande barrière de corail.
Enfin ce sont les aléas de la météo qui se sont imposés comme facteur de choix déterminant et nous ont fait préférer l’Option Brisbane, vers le Nord, à celle du Sud qui incluait Melbourne et Camberra. En effet une large dépression s’était installée sur tout l’Est Australien et laissait prévoir un temps couvert sur la dizaine de jours suivant notre arrivée et des températures nettement en dessous des normales saisonnières. On prévoyait même qu’il neige sur les Snoowy Mountains, à 500 km au sud de Sydney. Nous ne cherchions pas si loin l’été en hiver pour risquer de subir l’hiver en été !
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