Nous ne nous étions pas revus depuis bientôt quatre ans. Pourtant Lorient et Saint Malo ne sont pas éloignés. Mais l'un et l'autre n'avons pas le sens du temps qui passe, vivons pleinement nos vies et croyons à l'éternité de l'amitié. Ainsi arrive-t-il que nous nous perdions de vue quelque temps – longtemps parfois - pour réapparaître à l'autre, soudain, sans prévenir, parce que c'est important, parce que nous en avons l'envie, parce que bien des choses se sont passées et qu'il est temps d'en parler.
Cette fois-ci c'est en "étonnant voyageur" que me revient Gildas avec Marie Claude, sa douce compagne et si efficace collaboratrice de création. Deux actualités les amènent au festival Malouin : d’abord l'opportunité offerte de promouvoir, sur le stand d’un libraire, son roman, "Les échos du Golfe" ; ensuite sa participation au documentaire consacré au conteur Lucien GOURONG, "le passeur de mémoire », présenté au cinéma Vauban, par ses auteurs Stéphanie VALLOATTO et Cyril BLANC.
À propos de film, c’est un long-métrage qu’il faudra, un jour, consacrer à la vie si forte de Gildas TREVETIN.
Nous avions vingt ans quand nous nous sommes connus. J'étais animateur culturel et j'assistais Lucien GOURONG pour l'organisation du premier festival d'Art Populaire Breton de Lanester. Intrépide, sur son fauteuil roulant, Gildas était de la partie : membre du comité d'organisation, présent à tous les évènements, avide de connaître, de comprendre, de rencontrer les artistes (Alan STIVELL, voisin de sa maison d’enfance à Langonet…) et surtout de voir et d'entendre les écrivains Breton au cabaret littéraire : Yvon LE MEN, Youenn GUERNIC, Per JAKEZ HELIAS ou XAVIER GRALL.
Déjà une double passion pour l'écriture et la vie sociale, économique et culturelle en Bretagne animait Gildas. Plus, bien sûr, son combat de tous les instants pour dépasser son terrible handicap, changer le regard compassionnel, tuer dans l’œuf toute tentative « charitable » des bonnes âmes toujours prêtes à finir ses phrases en n’ayant rien compris, effrayées à la moindre acrobatie dont le gaillard a le secret. Un combat pour l’autonomie, gagné cent fois et de quelle manière, mais à toujours recommencer.
Pour comprendre l'itinéraire de l'écrivain Gildas TREVETIN et mesurer ce que représente la parution de son premier livre, lisons ce qu'a écrit Jacqueline GETAIN-JACOB, la fille de l'institutrice qui, par hasard, découvrit, que le petit IMC du fond de la classe "n'était pas idiot" :
" Gildas et notre famille, c’est une belle histoire, Alors qu’il était enfant, il était hospitalisé à KERPAPE (appelé sanatorium à l’époque), où il était considéré comme un enfant idiot, car on ne comprenait rien de ce qu’il disait, et il était grabataire.
Ma mère était institutrice à Kerpape, elle faisait classe dans les salles communes aux enfants qui ne pouvaient se déplacer, et Gildas était là, dans un coin, car on ne savait où le mettre pendant ces activités qui ne le concernaient pas. Jusqu’au jour où...jusqu’au jour où ma mère s’est aperçue qu’il suivait la classe et savait déchiffrer ce qu’elle avait écrit au tableau. Il suffisait de l’écouter et de faire l’effort de le comprendre. Il avait 8 ans.
Ce fut une révélation, suivie d’un branle bas de combat dans notre famille. Mon père, instit aussi et bricoleur, fit des essais avec le menuisier de Kerpape pour adapter un cache en bois sur une machine à écrire mécanique afin qu’il puisse écrire. Cela n’a pas donné grand chose. Il devait utiliser une barre de fer pour essayer de viser dans les trous, et cela prenait un temps infini pour un piètre résultat.
Mais de ce jour Gildas n’a eu de cesse de lire, d’apprendre et de se cultiver. Tout l’intéressait. Il dit souvent que ma mère est sa vraie mère. En tous cas grâce à elle c’est une véritable naissance à l’esprit qui s’est opérée. Il lui en voue une gratitude éternelle qui, depuis son décès, s’est reportée sur nous, ses enfants. Ce n’est pas notre frère de lait, mais notre frère en intelligence."
Dans ses romans – « Les échos du golfe » est le troisième qu'il a écrit, le premier publié - Gildas TREVETIN "cherche à allier le romanesque à l'action militante ». L’auteur fait preuve d’une imagination débordante et souvent d’humour. Il nous fait partager, presque à chaque ligne, ses convictions politiques : Gildas est engagé depuis longtemps à l’UDB (Union Démocratique Bretonne dont il a été l’élu de LANESTER, dans la liste d’union de la gauche conduite par le maire communiste, Jean MAURICE.
Son récit est foisonnant d’informations économiques et sociales, de références historiques, de descriptions géographiques, voire touristiques. Il échafaude son roman sur un travail précis d’enquête et de documentation : il s’est longuement rendu sur les sites de Bretagne où il fait vivre ses personnages ; il a lu une somme d’ouvrage de référence.
Le style est clair, vif, même si parfois Gildas se permet quelques figures de style hasardeuses…Toujours son tempérament d’acrobate ! En fait Gildas TREVETIN est un conteur, il nous raconte des histoires qu’il invente à mesure. Plutôt il les raconte à Marie-Claude, sa compagne, qui transcrit le récit avec son traitement de texte. Elle en frappe des pages, Marie Claude, à deux doigts, de sa main difficile !
Gildas, en effet, ne peut écrire lui-même. Ses bras, ses mains dont il doit maîtriser le désordre, ne parviennent pas à suivre la rapidité de sa pensée débridée. Marie-Claude, si ! L’œuvre de Gildas naît grâce à l’écoute de Marie-Claude ! Il est incroyable ce couple qui depuis bientôt trente ans se raconte des histoires – pour mieux nous les conter - avec le même bonheur.
Jamais arrêtés, Gildas et Marie-Claude sont en enquête pour le prochain opus. Le Roman se déroulera, nous dit-on, à Pont-Aven, on y parlera beaucoup de peinture, des œuvres de Sérusier, perdues à la Mairie de Langonet, des peintres de Nizon…Et sans doute aussi d’amour, d’argent mal gagné, de générosité héroïque, en Bretagne Ouest. Tout l’univers de Gildas TREVETIN, mon vieux pote qui m’a appris à écouter ceux que je ne comprenais pas du premier coup – « demande moi répéter, ne fais pas semblant de comprendre » - et aussi à ralentir mon rythme, mais ça c'est encore loin d'être acquis !
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