Pas de publicité à la Télé pour les moins de douze ans…
C’est sur cette injonction que repose la campagne du Mouvement pour une Alternative Non-Violente. Petit bout de la lorgnette, vous direz-vous, il y a des sujets beaucoup plus violents que celui-là ! Certes mais savez-vous que la publicité est l’un des trois premiers budgets au monde, placé entre la vente des armes (le premier) et le marché de la drogue ? La considérer essentiellement comme une « information » ou un « amusement » comme ont répondu, presque unanimement, les élèves de cycle III à l’enquête de l’IUFM de Lyon, serait bien naïf !
François Brune, écrivain et collaborateur au Monde Diplomatique, la décrit autant comme une vitrine de la marchandisation du monde que le pivot qui fait fonctionner l’économie de marché. Il aime à citer cette définition prémonitoire d’Aldous Huxley : « Faire aimer aux gens la destination sociale pour laquelle ils sont programmés. » Subrepticement, la publicité inocule le besoin de besoins, l’envie d’envies…
Vivre égale Consommer, c’est comme « saliver » à la perspective d’acheter. Le collectif, c’est posséder le « même » I Phone, sous peine d’être en marge. Mon identité, c’est l’identité du produit à qui le publicitaire malin a donné les « valeurs » de la Vie. L’Individu, un produit à vendre lorsqu’il recherche un emploi ou une promotion. L’Individu, une cible dans une campagne… c’est drôle le côté militaire de ce vocabulaire ! Et si sous son allure créative, amusante, informative, colorée, cette publicité était un formatage puissant pour un « Meilleur des Mondes » en gestation ? Les frissons dans le dos s’installent vraiment quand Elizabeth Bâton-Hervé, chercheuse en sciences de l’Information, explique, preuves visuelles à l’appui, comment les émissions pour les enfants sont truffées d’images publicitaires clandestines, véritable imprégnation par micro-stimuli. La publicité pour la nourriture est la plus flagrante à ce niveau-là, explique Isabelle Darnis, diététicienne. Injonction paradoxale : « Mange, consomme et sois mince », elle transforme l’enfant-roi en enfant- proie, victime de la culpabilité des parents (« cela semble te rendre tellement heureux de posséder ceci ou cela »).
La publicité exerce aussi une pression sociale forte car, sur les cours de récréations, posséder l’objet publicitaire est synonyme d’intégration dans le groupe de pairs. Pour les ados, elle induit une image corporelle retouchée, irréelle qui entraîne souvent mal-être et dépression et nuit à la mise en place de l’estime de soi. La publicité est forte pour nous faire prendre pour « réel » ce qu’elle met en scène (des vessies pour des lanternes, diraient les anciens !). Elle happe nos valeurs pour nous faire acheter du bonheur en boîte. Elle nous fait croire que nous, les « gens », c’est ce que nous voulons, que notre idée du bonheur, c’est ce qu’elle nous propose !
Les adultes peuvent se défendre (sans commentaire !) mais les enfants ? Des études montrent que les petits de moins de huit ans ne font pas la différence entre la réalité et la fiction. Toute la publicité vue par les enfants est à considérer selon la philosophe Blandine Kriegel, comme « une violence qui ne reflète pas la demande du public, mais qui est le produit d’un système de marketing. Cette violence exerce un effet d’incubation culturelle en contribuant à long terme à une dévalorisation du monde. » Pas si petit bout de la lorgnette que cela la campagne du MAN !!! L’objectif en est d’exiger des pouvoirs publics une loi avec décret d’application qui interdise toute publicité destinée aux enfants de moins de douze ans. Une telle loi existe déjà en Suède et en Espagne. Alors pourquoi pas en France ?
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