Marie vient de nous adresser son mémoire de Master pour un avis critique : un bon travail aliant références solides et mise en perspective de ses expériences de stage. Il traite de « La communication interculturelle » et cherche une réponse à la question « Comment prévenir les incompréhensions culturelles pour éviter la désocialisation ? ».
Marie consacre un chapitre à son expérience du "voyage" et me permet d'en partager la lecture avec vous. Elle a sû trés intelligemment émailler ses études de temps de stage à l'étranger, en Espagne, en Argentine, ou loin de la Métropole, à la Réunion.
Je pense qu’il n’y a rien de plus enrichissant que de voyager pour garder, entretenir le sentiment d’altérité et aussi se retrouver avec soi même. C’est un moment de traversée des altérités comme l’est l’exil, le refuge dans l’ailleurs. « Le voyage invite au désir de l’altérité autant qu’à celui de l’ailleurs », « Voyager, c’est devenir autre », « Mais voyager, c’est d’abord se risquer à l’altérité, à la nouveauté, à l’étrangeté, à l’inconnu, à l’incommensurabilité ». (Michel, 2004, p6,8,28).
Personnellement je ne me sens jamais mieu moi même qu’à l’étranger avec parfois ce sentiment d’être chez soi ailleurs et ailleurs chez soi. C’est une auto-découverte relevant jusqu'à la découverte d’un autre en moi enfuie tel un étranger intérieur, clandestin. C’est dans la différence que les choses prennent du sens. On est un peu autre ce qui nous rapproche. « Etre seule à des milliers de milles de tout, c’est être responsable de ce que je suis ; cela me rend plus fort, plus riche, et cela me rapproche des autres car, quand le lien humain devient fragile, il est plus intense. Tout le monde devrait faire cela une fois dans sa vie ». (Michel, 2004, p76). « (…) Mais cette errance est toujours vecteur de socialisation, de rencontre avec le Grand Autre, quel que soit le nom qu’on lui donne » (Maffesoli, 1997, p27).
Une véritable éducation au voyage, une éducation touristique et au respect d’autrui peuvent être une voie vers la paix. Les échanges linguistiques me paraissent un excellent programme de l’éducation nationale. Le voyage reste avant tout une rencontre, une meilleure découverte de l’autre car celui qui se déplace pour découvrir le monde est découvert à son tour. Il est intéressant de découvrir le point de vue de l’autre pour se découvrir soi même. « Voyager c’est avancer à contretemps en prenant le contre-pied » (Michel, 2004, p20). Le décalage n’est pas qu’horaire ! Il permet d’apprendre à se décentrer, à ne pas comparer par rapport à notre regard d’Européen ou même de citadin, français,...
Il n’a pas forcément besoin d’aller bien loin. Prendre le métro pour un jeune garçon de la campagne qui n’est jamais sorti de son village, c’est un voyage en soi. J’ai pu en avoir l’occasion lors d’un stage pratique avec un enfant autiste. Dans la rencontre avec l’autre, il y a une remise en cause du savoir sur l’autre et comment l’autre est pensé, à travers quel matériel. On ne revient jamais pareil d’un voyage et on est plus critique, objectif face à notre société. Il est même, s’il est réussi, une succession de décalages pour mieux se recaler. Parce qu’aller à l’autre bout du monde et rester entre Français ou être dans un hôtel internationale ce n’est pas voyager, découvrir un pays pour moi. Le voyage s’attaque à nos propres visions, traditions pour mieux découvrir celle des autres. La vision du monde en devient transformée, réinventé. Il est rempli d’étonnements, de déceptions, d’idéalisations…
J’ai pu idéaliser l’Argentine, sans la connaître, et même après 3 mois je ne la connais mal pour bien en parler car il faudrait connaître toute l’Argentine : chaque région étant très spécifique. J’y ai découvert bien sur de grandes richesses mais aussi une société très traditionnelle, machiste, de l’être et du paraître avec des discriminations sociales très forte et, le pire je crois surtout en tant que futur psychologue un système sociale et juridique crée pour les droits des enfants qui ne les respecte pas.
Qu’elles sont les destinations qui fascinent aujourd ‘hui ? Celle de l’étrangeté, de l’éloignement géographique. Il y a un attrait pour l’étrangeté qui explique le choix de ces destinations si lointaines et différentes de notre mode de vies Européens. C’est reconduire ainsi sans cesse « la conscience de l’Autre, d’autrui (qu’il soit semblable ou différent), du monde (le mien ou étranger) et de soi (comme un autre ou de soi comme l’autre de l’autre). »(Michel, 2004, p8) Le voyage n’est finalement jamais qu’un passage de frontières et une succession de franchissements de seuils avec des moments de transes et d’épreuves. Après tout, plus on voyage autour du monde, plus on voyage à travers soi. Ca peut être parfois aussi un moyen de fuir. Je terminerais par une phrase de Jacques Lacarrière, le voyage s’agit pour lui de « devenir apprenti d’Ailleurs, compagnon du Lointain, au sens ou l’on entendait compagnon au siècle dernier, celui qui parcourait chemins et villes pour connaître un pays et acquérir en même temps une formation professionnelle ».
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