Voix endormies
De DULCE CHACON
Traduit de l’espagnol par Laurence Vuillaume
10/18 Domaine étranger chez Plon
Il y a la guerre d’Espagne, celle que nous étudions dans les livres. Et puis, il y a l’après-guerre où les voix se taisent et rentrent dans l’ordre du vainqueur. Les livres d’histoire oublient « l’après », comme si la vie reprenait son cours là où la colère républicaine l’avait arrêtée.
Les voix endormies, ce sont les voix des femmes combattantes enfermées dans la prison de Ventas à Madrid. Pour elles, la guerre n’est pas finie : leurs maris sont encore au combat dans la sierra, leurs enfants dispersés et elles vivent à 10 000 dans une prison conçue pour 500. Elles se soutiennent pour supporter le froid, les humiliations des gardiennes, le typhus, la mort de leur bébé enfermé comme elle, la peur de la sentence du tribunal, la mort de leur proche.
Dulce Chacon remercie, à la fin du livre, « toutes les personnes qui m’ont fait cadeau de leur histoire ». De toutes ces histoires, elle a donné vie à des personnages forts qui rayonnent d’amour. Ces femmes puisent leur force dans leurs convictions, elles sont transcendées par cet idéal qui, malgré la mort suspendue au-dessus de leur tête, les porte à penser l’avenir dans les messages qu’elles arrivent à sortir des murs de la prison.
L’oubli, il n’y a rien de pire pour un combattant de la liberté. L’oubli, c’est mourir pour rien. L’oubli, c’est n’avoir pas existé pour ce qui a été le plus fondamental pour soi. Dulce Chacon a réveillé ces voix et, une fois le livre refermé, nous ne pourrons les oublier.