La fille du fossoyeur
Joyce Carol Oates
Traduit par Claude Seban
Cela peut se lire comme une fresque sociologique de l’ « Amérique » de l’après-guerre. Tout y est : les migrants qui ont perdu leurs illusions, les usines qui tournent à plein rendement, les salaires maigres des petits blancs, la haine raciale… Mais ce n’est que le décor, comme toujours chez Joyce Carol Oates, le décor où les personnages se meuvent à la recherche de leur origine, de leur filiation et de leur identité.
Rébecca Schwart lutte désespérément pour oublier qu’elle est la fille du fossoyeur, la fille de Jacob, l’ancien professeur juif émigré fuyant l’Allemagne nazie de 36.
«Dans le monde animal les faibles sont vite éliminés.» Dix ans qu'il était mort. Dix ans que son corps mutilé était enterré. Dix ans que personne ne le pleurait. On aurait pensé que depuis le temps, elle, sa fille adulte, mariée et mère de son propre enfant, serait débarrassée de lui. Dieu sait qu'elle avait essayé ! Elle le haïssait. Ses yeux kérosène, son visage pareil à une tomate bouillie. Elle se mordait les lèvres au sang à force de haine. »
Rébecca fuit son père, sa famille, le cimetière… Accordant confiance à qui dit l’aimer, elle se fait « avoir ». Mais, elle se relève et continue son combat, sans trop en comprendre le sens. Il faut qu’elle vive car « les plus faibles sont éliminés », comme disait son père. Cette phrase, leitmotiv de son enfance, est comme un fil conducteur qui finalement, la conduira à trouver des réponses à ses questions d’identité.
C’est un livre dur car Joyce Carol Oates ne ménage pas son héroïne : c’est un véritable « chemin de croix » qu’elle devra subir pour trouver enfin, dans les dernières pages du roman, la paix intérieure.« Les artistes qui travaillent sérieusement sont ceux qui poussent les gens à leur extrême. C’est la théorie classique de la tragédie : rendre les gens plus nobles ».
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