Anne Brontë La recluse de Wildfell Hall
Phébus 2008
Ce roman est souvent considéré comme le premier livre féministe de la littérature occidentale.
Anne Brontë, la moins connue du célèbre trio, raconte comment, pour l’amour d’un homme, une jeune femme sort du cadre et du rôle que lui assigne la « bonne » société victorienne, à savoir, être la garante de l’harmonie et la gardienne du foyer, le symbole même du dévouement et de l’abnégation.Cette jeune fille choisit l’amour, premier mauvais choix !
Lorsque son mari révélera sa vraie nature de débauché, elle fait un deuxième mauvais choix puisqu’elle décide de s’assumer : elle vit seule avec son fils et une servante dévouée, essaie de vendre sa peinture et refuse toutes relations de convenance avec son groupe social.C’est bien parti…mais, là, s’arrête le combat « féministe avant l’heure » de l’héroïne.
Si elle décide de s’en sortir par elle-même, c’est plus par culpabilité qu’envie de faire ses preuves. Elle veut se punir d’avoir osé transgresser les codes. Pour cela, elle se met à l’écart de sa famille et de ses relations. Elle vit pauvrement et se consacre entièrement à son fils. Et soudain, nous retrouvons le cadre victorien du dévouement et de l’abnégation.Anne Brontë sent bien que quelque chose ne va pas dans cette classe sociale si bien codifiée, un quelque chose qui ne permet pas aux femmes d’explorer leurs capacités, de les mettre en valeur et d’en vivre, un quelque chose qui ne permet pas aux femmes de faire leur propre choix sans se faire taper sur les doigts par la vie…
« J’ai appris à ne pas m’appuyer sur le monde parce que je sais que le monde gagnera. Toujours. » C’est ce qu’écrit Anita Brookner à la même période.
Le livre d’Anne Brontë a fait l’objet d’une véritable censure à sa sortie. Caviardé pour ne pas choquer, écrit sous le pseudo masculin d’Acton Bell, la version originale a été longtemps « perdue » ! Je serais curieuse de savoir ce qui a été censuré : est-ce l’idée que les garçons, comme le fils de l’héroïne, ont besoin d’une autre éducation ? Ou les « contraintes » et les limites que l’héroïne impose à son nouvel amoureux ?
Les éditions Phébus nous livrent la version intégrale telle qu’elle a été publiée pour la première fois en 1848 ! A vous de deviner !
Si vous n’aimez pas la littérature de cette période parce que le style est grandiloquent, la narration parfois interminable, plongez sans crainte dans celui-ci : l’écriture d’Anne Brontë est sobre, sans fioriture, sans description-fleuve ni digressions inutiles.