Histoire de l’autre
Prime (Peace Research Institute in the Middle East)
Traduit de l’arabe par Rachid Akel
et de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech
Il y a quelques années des élèves de CM2 avaient écrit et joué une pièce de théâtre où ils racontaient l’histoire d’un petit peuple qui vivait en harmonie avec la nature. Le moment le plus important de la journée était quand, le soir venu, les habitants se rassemblaient autour du plus ancien. Il était dépositaire et lecteur du LIVRE. Chacun et chacune écoutaient avec un bonheur renouvelé chaque jour l’histoire du peuple, écrit depuis les temps les plus reculés. « Et le plus important, insistaient les élèves au moment de l’écriture - sous la conduite de la philosophe Marie Bruneau et de la comédienne Christine Burnet - c’est que chaque habitant doit continuer d’écrire sa version de l’histoire vécue ensemble, ainsi, disaient-ils, ils pourront approcher la Liberté ! »***
« Histoire de l’autre » me rappelle cette utopie des élèves de CM2 : écrire sa version des faits pour éclairer sa propre histoire et comprendre celle de l’autre parce que comme l’écrit l’éditrice Liana Levi « La vérité de l’un n’est pas celle de l’autre. »
Le livre s’articule sur deux récits parallèles de trois dates clés de l’histoire commune entre palestiniens et israéliens : Balfour, 1948 et la première Intifada. Il est écrit par douze professeurs, six israéliens et six palestiniens.
Les mots s’entrechoquent pour désigner le même évènement. Balfour : naissance de l’utopie sioniste ou usurpation d’une patrie ? 1948 : guerre d’indépendance ou la Nabka (la Catastrophe) ? Les mots disent aussi la souffrance, bien au-delà des faits, de chaque peuple, souffrance que quelques dizaines d’années ne peuvent combler. Les mots analysent et montrent combien la puissance des nations riches, donc stratèges pour préserver leur pouvoir, l’emporte sur la détermination des petits peuples : terrible jeu des alliances qui se paie au mépris de vies!
Ce livre ne prétend pas dire « vrai » sous prétexte d’aborder les faits sous deux angles différents. Son principal mérite, c’est qu’il s’adresse aux élèves et à leurs professeurs. Il ouvre enfin un espace de dialogue où les questions peuvent se poser. Il démontre combien les situations de conflits sont compliquées parce qu’elles entremêlent les mythes à la réalité, les intérêts économiques aux intérêts humains, les preuves historiques à l’illusion de la souveraineté. Ce livre est un espace d’apprentissage à l’analyse de ces situations compliquées et peut nous aider à repérer la complexité, non pour s’embrouiller davantage mais pour mieux dominer et devenir des acteurs efficaces.
*** Modeste, Marie-Anne omet de préciser que ces enfants de CM2 avaient pour bonheur de l'avoir comme institutrice.