Trois jeunes apprenties "sociologues" m'ont fait part de leur intéressant sujet de recherche qui les amène, dans les rue de Rennes, à observer de jeunes contemporains, membres de l'étrange tribu des Tectonik Killers. Si vous voulez voir et entendre de la tectonik faites donc un tour sur You Tube...
Je publie, avec leur autorisation, des extraits de leurs notes brutes d'observation participante, succulents angles de vue sur la ville jeune, en cette fin 2007.
AVERTISSEMENT : dans un commentaire posté le 6 Juillet 2008, S... menace de porter plainte pour cet article et les photos qui l'illustraient - au nom sans doute de son droit à l'image. N'ayant effectivement pas d'autorisation à publier sa photo prise dans la rue lors d'une de ses démonstrations publiques, je retire l'ensemble des photos. En ce qui concerne le texte, notes d'études de trois apprenties sociologues, je considère garder toute liberté de le publier en rendant anonymes les acteurs. A aucun moment, ni elles, ni moi ne voulions porter atteinte au travail artistique de ces jeunes, au contraire... Alors S... désolé de l'incompréhension...Et si vous souhaitez parler d'une manière ou d'une autre de votre art, les colonnes d'angle de vue, angles de vie vous sont ouvertes. Et vive la liberté d'expression !!! Dans la rue... et sur le Net... pour les danseurs, les photographes, les bloggers...
Observation du samedi 27 octobre
18h15. Place Hoche. 40 personnes (15 danseurs et jeunes de 15-16 ans habillés TCK + 30-35 « curieux » et « observateurs » -des familles avec enfants, d’autres jeunes…-). J’ai donc pu me fondre dans la foule. Souhaitant réaliser une observation non-participante car on n’avait alors pas encore élaboré de stratégie de présentation de notre démarche, j’ai filmé et pris des photos avec mon téléphone portable en faisant semblant d’écrire un message. Je n’étais visiblement pas la seule à le faire. Les danseurs sont tous des garçons. Deux filles s’entraînent timidement mais n’osent pas aller danser au milieu du cercle. Certains danseurs écoutent de la musique dans leurs baladeurs MP3. La plupart des tck killers sont blancs mais il y a 2 noirs, dont 1 fait partie de la même team qu’un danseur blanc, la ‘team Wasil’. La tck semble une danse de type transe, improvisée au rythme de la musique mais en réalité les jeunes répètent des chorégraphies avant de se lancer au milieu du cercle. Les tck killers ne regardent pas le public quand ils dansent. Selon des spectateurs, ils seraient « centrés sur eux-mêmes ». Ils ne jouent pas avec le public et ne suivent pas les codes du spectacle. Une chaîne avec des enceintes est installée dans une voiture garée place Hoche. Contrairement à l’information que j’avais vue sur internet (site Rennesmaville), il n’y a pas de DJ. 18h45 : fin du rassemblement. Il commence à faire nuit et froid. En 5mn, tous les tck killers ont arrêté de danser, la sono a été rangée et la foule s’est dispersée.
Le mercredi 07 novembre 2007 de 15h30 a 17h30
Observation d’un rassemblement de tck killers qui de la place Hoche se déroule finalement dans le hall du magasin Saturn, dans le centre commercial de la Visitation.
En effet, une après-midi commerciale est organisée par NRJ en partenariat avec le magasin Saturn : un DJ « NRJ » est présent qui passe de la musique tck, des jeunes promotrices avec un tee-shirt « I love NRJ » distribuent des bons de réductions. Le groupe de tck killers a donc apparemment profité de cette initiative pour s’approprier le lieu.
Ils sont une dizaine de permanents, et seulement 5ou 6 dansent. Nombreux sont les jeunes qui partagent leur look mais qui ne sont là qu’en spectateur, en bande de trois ou plus.
Les traits communs aux tck killer sont le look et la danse. Pour ce qui est de la musique, ils ne manifestent pas un intérêt particulier pour les différents morceaux qui s’enchaînent : tout au plus des hochements de tête pour accompagner le rythme, l’électro apparaît donc plus comme un fond sonore, ça n’est pas un élément particulièrement fédérateur et les tck killers n’ont pas l’air d’être des connaisseurs de cette musique.
Sur les deux heures que les jeunes passent ensemble, il y a finalement peu de moments de danse. J’assiste à la présentation d’une chorégraphie de mouvements synchronisés de S... et un autre membre de la team, qu’ils vont répéter deux ou trois fois. Une chorégraphie est organisée : quatre danseurs de la team de S... décident de faire une danse en sortant de l’ascenseur de Saturn. Tout excités, ils descendent les marches, S... entraîne avec eux un garçon qui est là depuis quelque temps et qui a esquissé quelques mouvements mais qui n’a pas l’air de connaître la team. Les jeunes spectateurs-amis de la team se préparent à filmer et les cinq danseurs arrivent alors par l’ascenseur avec une position fixe ; les portes s’ouvrent et ils commencent à danser en sortant de l’ascenseur et continuent ainsi pendant quelques minutes, chacun de son coté. Le nouveau arrête au bout d’une minute, peu sûr de lui. Il rejoint ses potes à côté en riant un peu. La chorégraphie est intéressante de par sa spontanéité et l’utilisation de l’espace qu’elle propose : les jeunes n’hésitent pas à s’approprier des espaces nouveaux, et des lieux de la vie de tous les jours (d’ailleurs plutôt considérés comme des non-lieux, des lieux de passage, des lieux purement utilitaires : comme la place publique, le centre commercial, le magasin, l’ascenseur).Le samedi 10 novembre. 15H30 – 17H30
lien vidéo samedi dernier : http://tck-jayliia.skyrock.com/3.htmlConfiguration des lieux
Les TCK sont regroupés sur la droite de la fac d’économie, contre un mur. Ce choix semble motivé parce que le reste de la place est occupée par les manèges et surtout par l’accès qu’il laisse aux voitures. En effet, la particularité de ce rassemblement réside dans la présence d’une voiture assurant la sono à un volume relativement élevé. (voir shéma)Disposition des personnes
A notre arrivée, vers 15h30, on discerne d’emblée deux groupes principaux: le premier, qui regroupe des jeunes de 14 à 17 ans, est accolé au mur, près de la voiture. On y compte une petite quarantaine de personnes, où les filles sont presque autant que les garçons. Les danseurs, discernables à la façon dont-ils sont habillés, ne sont par contre qu’environ sept ou huit, dont une unique fille. Les motifs bicolores, les rayures bicolores et les étoiles semblent très appréciés, ainsi que les étoiles ou les grains de beautés peints près de l’œil. Un jeune porte une suce de bébé à la bouche, qu’il garde tout l’après-midi. Une fille porte des sacs Crazy Republic. S... est très sérieux. Il gère l’événement avec discrétion et son faciès reste assez insondable. Il semble concentré.
Le second groupe constitue une longue couronne située environ à sept ou huit mètres du groupe de base. Ce groupe est plus composite. Il regroupe des amis du groupe de base, qui font d’ailleurs l’aller-retour entre les deux groupements, mais aussi des curieux, certains de notre âge, plus éloignés, et quelques couples adultes, même d’ailleurs un couple de personnes âgées, constituant au total environ 85 personnes.
Le samedi 10 novembre. 15H30 – 17H30
Configuration des lieux
Les TCK sont regroupés sur la droite de la fac d’économie, contre un mur. Ce choix semble motivé parce que le reste de la place est occupée par les manèges et surtout par l’accès qu’il laisse aux voitures. En effet, la particularité de ce rassemblement réside dans la présence d’une voiture assurant la sono à un volume relativement élevé. (voir shéma)Disposition des personnes
A notre arrivée, vers 15h30, on discerne d’emblée deux groupes principaux: le premier, qui regroupe des jeunes de 14 à 17 ans, est accolé au mur, près de la voiture. On y compte une petite quarantaine de personnes, où les filles sont presque autant que les garçons. Les danseurs, discernables à la façon dont-ils sont habillés, ne sont par contre qu’environ sept ou huit, dont une unique fille. Les motifs bicolores, les rayures bicolores et les étoiles semblent très appréciés, ainsi que les étoiles ou les grains de beautés peints près de l’œil. Un jeune porte une suce de bébé à la bouche, qu’il garde tout l’après-midi. Une fille porte des sacs Crazy Republic. S... est très sérieux. Il gère l’événement avec discrétion et son faciès reste assez insondable. Il semble concentré.
Le second groupe constitue une longue couronne située environ à sept ou huit mètres du groupe de base. Ce groupe est plus composite. Il regroupe des amis du groupe de base, qui font d’ailleurs l’aller-retour entre les deux groupements, mais aussi des curieux, certains de notre âge, plus éloignés, et quelques couples adultes, même d’ailleurs un couple de personnes âgées, constituant au total environ 85 personnes.Développement de l’action
Ce schéma dure environ 1/4 d’heure: la seconde couronne se dissipe très vite: une partie s’en va, l’autre, constituée essentiellement des amis du noyau dur, se rapproche et vient coller à ce premier groupe. Ce regroupement s’opère très vite, entre cinq et dix minutes.
A l’issue du battle, qui dure, dans l’ensemble, environ 20 minutes, le cercle se relâche un peu. Il sera désormais occupé par intermittence, par un ou plusieurs danseur, et quelques clash épisodiques. En faisant le tour du cercle formé autour des « leaders du groupe » et de la musique, on a pu écouter des brides de conversations et surtout des commentaires ponctuels des spectateurs, du style « ah nan, je vais pas aller danser, je danse pas assez bien ! ». Vers 17H, les danseurs font une sorte de « final » où tous les danseurs participent. Au terme de l’après-midi, la composition du cercle entourant les danseurs est clairement scindée: alors que la moitié tournant le dos à la place ne regroupe que des étrangers au groupe, l’autre moitié, proche du mur et faisant face à la place, ne semble composée que de personnes plus ou moins intégrées au groupe ».Sur le battle
Il oppose deux voir trois TCK à deux puis trois danseurs de Jump Style, vêtus de façon beaucoup plus classiques: jeans relativement larges, sweats à capuche. L’opposition est assez virulente, parfois presque agressive: le public prend clairement parti pour la team de S..., qui se sent en confiance. C’est elle qui provoque la confrontation, à coup de « montrez nous ce que vous savez faire ». Durant l’opposition, quelques huées saluent la performance des Jumpstylers; certains se moquent de l’un d’entre eux parce que son pantalon se baisse et menace de tomber. Alors qu’il danse, S... essaie de le lui enlever, provoquant l’hilarité générale. Les Jumpstylers insistent, mais semblent visiblement mal à l’aise. Quelques applaudissements, mais dans l'ensemble la battle a manqué de rythme par rapport à ce qu'on a déjà eu l'occasion de voir à d'autres reprises.TCK, Jump Style et Hip Hop
Les interactions entre danseurs de TCK et danseurs de JS, bien qu’ambiguës, sont malgré tout tangibles et régulières. Les JS affirment en effet qu’ils viennent depuis septembre. En revanche, les liens avec les breakers ont semblé plus tranché. Ils se sont manifestés par l’entremise de la présence de M..., un breakers qui, à en croire S.., vient régulièrement le samedi après-midi. Les deux se connaissent, au point qu’à un moment donné, S... a pu lancer « toi vas-y reste tranquille ». De son côté M..., qui essayait de motiver d’autres danseurs Hip Hop à lancer une battle, répétait régulièrement que « dans six mois il reviendrait et alors là ils verront », d’un ton qui laissait à supposer qu’il ne s’agirait pas que d’une confrontation par la danse. Il a d’ailleurs, à un moment donné, effectué une figure de Hip Hop, en guise de provocation, et en espérant que ses amis le relaient. Les danseurs de TCK ont scruté la scène d’un air visiblement un peu inquiet. Mais, à ce moment, un petit d’environ quatre ou cinq ans s’est lancé dans le cercle et a commencé à reproduire des gestes TCK, ce qui a fait office de diversion. A la question de savoir pourquoi S... ne voulait pas répondre à « l’invitation » de M..., il a répondu qu’on ne pouvait pas comparer Hip Hop et TCK, que le premier existait depuis trop longtemps. Il a aussi manifesté de l’hostilité à l’encontre de M...
Observation au Colombier d’un entrainement de hip hop dimanche 11 novembre, 16h40.
L’entraînement de breakdance auquel nous avons assisté souligne en creux la particularité des rassemblements TCK. En effet, ceux-ci ne regroupent au final, en proportion, que très peu de danseurs. La danse elle-même ne prend au total qu’une proportion limitée de l’ensemble du temps passé place Hoche. A l’exclusion de nous, observateurs, seule une personne était présente mais ne dansait pas. Les gens nous saluent, selon ce qui semble être un rituel. La différence d'âge est plus marquée. Tout le monde s’entraîne, et, si hiérarchie il y a, elle est beaucoup moins apparente. Les moments d’apprentissage mutuels sont fréquents, ce qui n’était pas du tout le cas place Hoche, où le processus d’apprentissage semble plus personnalisé. Chacun s’entraîne et se concentre sur sa performance. Battle moins agressive.