Michel Rocard vient de remettre son Rapport à Ségolène Royale sur les enjeux des technologies numériques
Il s'agit d'un document de 73 pages comportant 94 recommandations concrètes que je vous propose de découvrir en téléchargeant sa version pdf Téléchargement RapportRocard-1.pdf
Je me suis particulièrement arrêté aux propositions concernant l'école et l'éducation.
Elles se fondent sur une intéressante analyse critique du modèle scolaire, inadapté aux impératifs d'une massification de l'enseignement, héritier de conceptions qui datent d'un siècle
Au XIXe siècle, les « études », dirigées par des personnels spécifiques, maîtres d’études, maîtres répétiteurs, professeurs adjoints, représentaient la majeure partie du travail des élèves dans les lycees d’Etat et surtout les collèges communaux. Au début du XXe siècle, quand la France a scolarisé les enfants des classes moyennes et populaires, elle a renvoyé ces tâches d’encadrement sur les familles : répétition des leçons, accompagnement des exercices et des devoirs, aide aux devoirs, etc.
Ainsi, l’école, en se démocratisant, s’est privée du principal instrument de réussite de cette
démocratisation.
Le nouveau système éducatif a donc été conçu selon les principes d’organisation dominants de cette époque : division du travail entre enseignants (dans le secondaire), durée uniforme des cours, classe constante sur l’année cloisonnement entre l’école et le domicile... Les outils (manuel scolaire, tableau) et les méthodes (cours magistral, examen individuel écrit et oral) étaient alors adaptés à ces principes.
Ils ont tenu tant que le système rejetait les élèves « inadaptés » à cette manière d’enseigner. Avec la massification, l’hétérogénéiteé croissante des élèves a montré – durement – les limites de ce modèle..
Les moyens manquent donc aujourd’hui pour faire face à la nouvelle massification. Mais les moyens manqueront toujours si l’on se contente des solutions traditionnelles : un système organisé autour d'un modèle pédagogique unique – l'enseignement magistral – et d'un outil – le manuel scolaire papier – devenus obsolètes.
Les réformes, dans le modèle actuel, échouent car il est impossible de réformer sans avoir défini les objectifs, les méthodes, les organisations et les outils de l’enseignement de masse dans la société de l’information.
Partant de là, Michel ROCARD inscrit les "Technologies éducatives" comme un des leviers décisif de la transformation indispensable du système éducatif qu'il souhaite concertée, progressive et pour laquelle il donne (de manière réaliste !) un délais de 10 années...
L’Education nationale tarde à tirer parti des technologies éducatives qui fournissent pourtant les moyens de véritables révolutions :
• L’accès à des savoirs nombreux, structurés, actualisés émanant du monde entier ;
• Des outils de création et de production de niveau "professionnel" mis à disposition de tous;
• Des modalités de communication, de travail collaboratif, de publication de résultats, de
manière générale, de nouvelles formes de relations avec des acteurs variés ;
• Et enfin, des logiciels permettant de nouer de nouvelles formes de confrontation au savoir, pertinentes et élaborées.
Ces technologies permettent ainsi d’imaginer un élève actif et engagé dans une construction personnelle de son savoir, relié avec d’autres acteurs (autres apprenants, adultes divers), recevant une information variée dans ses formes (texte, image, son et vidéo) et dans sa nature (documents, modélisations, logiciels élaborés...)
Le Rapport de Michel Rocard couvre l'ensemble du spectre de l'usage des TIC et du web 2 dans notre société et aborde la question sous tous ses angles (économiques, juridiques, sociaux, culturels...) : un remarquable travail politique qui apporte à notre candidate des clés pour ancrer à gauche le "révolution numérique" et ne pas laisser ce terrain aux seuls libéraux.
S'il fait preuve d'enthousiasme face aux pespectives qu'ouvrent ces technologies, Michel ROCARD ne nie cependant pas les risques et les écueils possibles et, parmi les 94 recommandations, plusieurs sont des appels à la prudence.
Ainsi en est-il de la recommandation 58, concernant les machines à voter : « Suivant l’exemple de l’Italie et de nombreux autres pays ayant suspendu la mise en place du vote électronique, instaurer un moratoire sur le vote électronique pour les élections politiques. »
La recommandation 70 suggère d’« Interrompre le projet de carte d’identité électronique. Les avantages en matière de sécurité (sur lesquels portent des doutes sérieux) ne justifient pas la constitution d’une base de données biométriques (centralisée, de surcroît) ».