La ville de demain se façonne autant dans l’exploitation des rares espaces restés libres ou libérables que par l’entretien ou la réhabilitation du bâti existant. Aussi est-ce avec intérêt et curiosité que je vois dans les villes que j’aime s’ouvrir des lieux propices à l’innovation architecturale et à la revivification économique et sociale.
Il y a quelques mois un tel espace s’est ouvert au cœur de la "cité corsaire", au centre du Sillon, le front de mer jouxtant l’intra muros, ouvert sur une des plus belles baies du monde. Un ilôt, qui abritait les locaux administratifs et commerciaux d’Edf – sans aucun intérêt architectural ou patrimonial, a été rasé, libérant un vaste terrain constructible, devant l’école nationale de police (sévère casernement en granit).
La question de la réaffectation des lieux n’a fait (bien sûr !) l’objet d’aucun débat public. Je n’ai bien évidemment pas pu penser une minute que l’on y ferait des logements populaires… Ni même que la municipalité puisse avoir en ces lieux un projet d’ouvrage public – ce n’est pas dans les mœurs de nos édiles locaux ! Il fut question, du moins le pensais-je, d’édifier à cet emplacement un grand complexe hôtelier, complétant une offre très en deçà du potentiel touristique de la ville. Après tout on pouvait en attendre un impact économique intéressant. C’est donc du coté de l’innovation architecturale et urbanistique que portaient mes espoirs. Et là grosse déception en découvrant l’immense panneau posé il y a quelques jours, informant la population du futur projet. Jugez-en vous même :
Nous avons là la quintessence de l’architecture « Dysney land » qui depuis dix ans s’est imposée (sous l’égide de l’architecte des bâtiments de France) à toute rénovation ou réhabilitation sur la digue de Saint Malo : faux style…anglo-Malouin, avec bow window à tous les étages et tourelles m’as-tu-vu.
Ca fait "joli", comme on l'entend souvent en se promenant sur la digue; C'est faussement harmonieux. Rien qui rende compte de l’esprit de l’époque ou exploite de manière innovante les matériaux ou technologies actuelles, aucune réelle rénovation contemporaine…
A tel point que les quelques hardiesses des années soixante qui vieillissent plutôt bien, paraîtront bientôt géniales… Et pourtant !
On aurait pu rêver qu'un promoteur audacieux s’associe à un architecte novateur, bravant les fourches caudines (et le mauvais goût) de l’architecte des monuments de France et la passivité conservatrice des édiles municipaux : à nous les de Portzamparc ou Jean Nouvelle !… Mais mon rêve tourne au cauchemar le bétonneur Bouygues façonne ma ville. (l ne vous aura pas échappé que Bouygues Immobilier porte le projet !)